Quand on a le privilège d’être natif, le monde de votre pays ne se découvre pas de l’extérieur comme une planète inconnue, il ne s’explore pas. On implose en son giron. Orgueil ? Que non pas. Humilité au contraire. Ainsi ai-je surgi au cœur de la Provence liant connaissance avec mon berceau par mes oreilles d’abord.
Je parle surtout d’une Provence disparue. Celle de mon enfance et de ma jeunesse. Je parle aussi d’une Provence inconnue, celle qui ne se voit pas, celle sur quoi il faut pointer le doigt pour attirer l’attention. Je parle enfin d’une Provence restreinte. En fait, celle-ci ne dépasse pas la limite des Alpes-de-Haute-Provence, pays qui en dépit qu’on en ait reste mystérieux et secret. Le livre est écrit à la demande de mes lecteurs qui achètent mes ouvrages comme des guides pour se promener dans mes paysages, car si les histoires que je raconte sont inventées, les lieux où elles se déroulent en revanche sont rigoureusement conformes à la réalité.
Pierre Magnan
Je n’ai pas accompli mon rêve d’enfant: devenir maçon. Mais à seize ans, j’ai écrit Périple d’un cachalot, un roman de trois cent cinquante pages qu’on lit encore aujourd’hui. J’ai donc décidé de raconter ma vie dans un livre qui ressemble comme un frère à l’un de mes romans. Une vie d’éveils et de talents précoces, mais aussi de conditions difficiles. Mes lecteurs y apprendront que je fus apprenti dans une imprimerie pour cinq francs par semaine. Que j’ai aimé dès douze ans la femme que j’ai eu la douleur de perdre en l’an 2002. Qu’à l’âge de treize ans je connus la guerre et les vraies épreuves, mais que les soirs d’hiver et les collines de Provence ne cessèrent jamais de m’émouvoir et de me consoler de tout. Que j’ai appris bien plus à l’imprimerie qu’à l’école. Qu’à quinze ans j’ai rencontré Giono et tout ce qui l’entourait la musique, les grands écrivains, la dimension du monde. Bref, j’ai décidé de dire la vérité dans un véritable roman autobiographique où le lecteur retrouvera bien des personnages, des lieux et des instants de grâce qui parcourent mon œuvre de fiction.
Ils étaient tous autour du poêle quand il entra. Le vent d’automne dérangea la fumée de leurs pipes. Eux, devant cet homme encombré de deux valises, avec son chapeau mou et son imperméable clair, le prirent pour un monsieur.
Mais, s’avançant au milieu de la pièce et rencontrant la mère Raffin qui venait en toute hâte sur ses pieds plats, il toucha son chapeau. – Je vous demande pardon, dit-il, est-ce qu’il serait possible de voir le maire ? Pourrier se leva. – C’est moi. Il enleva sa pipe de la bouche.
– Je parie que vous êtes le nouvel instituteur ? – Juste, dit l’homme. ” Ainsi Barles fait-il son entrée, à l’automne 42, dans l’unique café de Cluze, village des Hautes-Alpes perché sous la dent de Cervières.
Au même moment, deux jeunes gens, l’un juif, l’autre communiste, viennent de s’échapper de la citadelle de la vallée et grimpent à travers bois, droit vers l’ancien cimetière de Cluze…
À Manosque, Pierrot, 15 ans, part à l’aube ramasser des escargots dans les collines. Il entend un coup de feu. Nous sommes en 1945, des coups de feu Pierrot en a entendu beaucoup au cours des années précédentes. Il pense que son voisin, le boulanger, qu’il voit s’enfuir de la ruine où il se cachait, vient de braconner quelque fai¬san, mais, sa cueillette achevée, il se heurte au cadavre d’un personnage considérable. C’est le capitaine Patrocle, un héros de la Résistance. Quelque chose est en train de glisser du portefeuille du mort : c’est une lettre sur papier bleu qui est la clé du mystère. Pierrot s’en empare et remet le portefeuille en place. Dès lors il ne va plus vivre que dans la crainte d’être dépossédé de cette lettre qu’il a glissée dans son béret. Ce béret qui à la fin fera éclater la tragédie.
Genre: RomanThèmes: Suspense
” – Qu’est-ce que ça veut dire aimer ?
– Je l’ai lu dans un livre, dit Laure.
– À la maison, depuis que je suis né, personne, tu entends bien ? personne ! n’a jamais prononcé ce mot. Le mot aimer et le mot tendresse n’ont jamais fait souche ici. Le bonheur, ajouta le grand-père, c’est une distraction de riches ” Voici ce qu’on pense du sentiment à Eourres quand Laure naît. Cette phrase du livre est comme une fiche d’état civil pour Laure qui pèse sept cent cinquante grammes à sa naissance. Pas plus qu’Eourres on ne peut l’inventer parce que seul ce pays pouvait permettre cette naissance. Il est impossible de concevoir, si on ne les a pas vus, ces montagnes, cette géologie démentielle, ce chaos de la fin des temps ou de leur début. Songez au silence, à l’isolement, mais songez à l’obstination de Laure qui à trois ans demande à apprendre à lire et à six conduit le troupeau. Songez à cette petite fille perdue dans ce pays sans grâce qui veut échapper non pas à sa condition mais à son ignorance de la vie. Songez à tout ce qu’elle va devoir braver si elle y parvient. P.M.
Genre: Roman, VécuThèmes: Terroir
Un vrai cadavre est balancé du haut de la citadelle de Sisteron au cours d’une représentation théâtrale. Le commissaire Laviolette, retraité de la police, était dans le public. Dès lors, il n’a de cesse de percer le mystère de ce crime, le premier d’une série.
Au début du siècle, cinq personnes sont massacrées à coup de couteau dans une auberge de Haute-Provence. En 1920, un survivant croit découvrir les coupables, mais deux d’entre eux, un nouveau riche et le propriétaire d’un moulin a huile, sont assassinés à leur tour avant que Séraphin Monge ait pu accomplir sa vengeance. Le justicier Monge entreprend alors de démolir la maison maudite de fond en comble…
Au début du siècle, cinq personnes sont massacrées à coup de couteau dans une auberge de Haute-Provence. En 1920, un survivant croit découvrir les coupables, mais deux d’entre eux, un nouveau riche et le propriétaire d’un moulin a huile, sont assassinés à leur tour avant que Séraphin Monge ait pu accomplir sa vengeance. Le justicier Monge entreprend alors de démolir la maison maudite de fond en comble…
Contre la porte du cimetière de Barles, près de Digne, il y a une boîte aux lettres qu’on ne remarque jamais. Pourtant, dans les années soixante, l’assassin à la belle écriture l’a parfois utilisée. C’était l’époque où Pencenat Émile creusait sa tombe, dimanche après dimanche. Il a été le premier à voir l’une de ces étranges missives, annonciatrices d’une vengeance à retardement.
” Au Contadour (en 1937, Pierre Magnan a quinze ans), quand Giono, Lucien ou Fluchère ne nous font pas la lecture, la grosse question est de savoir ce qu’on fera en cas de guerre : renvoyer son fascicule de mobilisation, résister aux gendarmes, faire un fort Chabrol de la paix, se laisser fusiller sur place et pour les femmes se coucher sur les rails dans les gares. Je n’entendrai jamais Giono, ni ici ni ailleurs, prendre parti dans ce débat autrement qu’en s’engageant personnellement. Jamais il ne donnera de directives à quiconque. “Marchez seul. Que votre clarté vous suffise” – “Je n’écris pas pour qu’on me suive. J’écris pour que chacun fasse son compte en soi.” ” Ce n’est pas une hagiographie de Giono que propose Magnan mais un récit minutieux de leurs rencontres quasi quotidiennes pendant tant d’années, à Manosque. C’est aussi un double portrait, du maître dont l’adolescent s’émerveille, et de l’apprenti qui tait jalousement que lui aussi rêve d’écriture.