La Première Guerre mondiale : L’éclatement d’un monde

La Première Guerre mondiale : L’éclatement d’un monde

L’édition en français de l’œuvre de Jay Winter, professeur à l’université de Cambridge, doit être particulièrement saluée, puisqu’elle permet au public français de disposer d’un grand livre qui ne soit pas dû à une plume française, et où la Grande Guerre ne risque pas d’être vue à travers le prisme déformant de nos sentiments nationaux. Mais surtout parce qu’il est un des tout premiers historiens à avoir osé et réussi un formidable pari : écrire, et écrire seul, une histoire mondiale de la Première Guerre mondiale. Certes, les événements essentiels de la guerre de 1914 se sont déroulés sur le sol français, mais il s’agit de la première grande guerre des nations, d’une mêlée des peuples. S’il était nécessaire d’en conter les aspects nationaux, il fallait bien qu’un jour on essaie de saisir l’événement fondateur de notre époque dans sa seule dimension réelle, sa dimension internationale. Pour y parvenir, l’historien britannique, mettant une très vaste érudition au service d’une capacité exceptionnelle d’analyse, a déterminé quatre cercles concentriques : celui des hommes politiques, celui des généraux, celui des soldats et celui des civils, et c’est à travers ces quatre groupes qu’il a passé au crible tous les événements de la guerre. Jay Winter a été très frappé par le fait que l’Allemagne fut à l’origine des quatre initiatives fondamentales de la guerre : le mouvement tournant à travers la Belgique en 1914, l’assaut contre Verdun en 1916, l’offensive sous-marine en 1917 et les grandes attaques du printemps 1918. Or, après un début victorieux, elles ont toutes échoué. L’auteur est persuadé que ces échecs apparemment techniques ont été en réalité la conséquence de ce que, dans cette guerre des peuples, la victoire devait revenir aux peuples les plus avancés dans la démocratie. Tant en septembre 1914 qu’au printemps 1918, il s’en est fallu d’un cheveu que les Allemands ne l’emportent, et on peut estimer que ce sont des choix stratégiques et tactiques malencontreux qui les ont privés de la victoire. Mais ces choix ne se sont-ils pas révélés malencontreux parce que, au moment décisif, le poids des peuples a été déterminant ? Comme l’a dit un général allemand, il n’avait pas été appris dans les écoles de guerre qu’une armée qui battait en retraite depuis des jours et des jours, qui avait été surclassée dans tous les combats, et semblait à bout de forces, ait pu faire face et vaincre comme le fit l’armée française lors de la bataille de la Marne en septembre 1914. N’est-ce pas la démocratie qui a donné au sentiment national qui animait les soldats français ce supplément qui leur a permis de vaincre par deux fois sur la Marne ?
J. Winter ne cache pas que, pour lui, la guerre est une tragédie, mais il est convaincu qu’il faut en éclairer tous les aspects, en percer tous les secrets, donner aux peuples toute leur place, pour que l’on puisse prendre conscience à la fois de la catastrophe qu’elle fut et de son immense emprise sur la suite de l’histoire du monde. Il l’a fait de façon magistrale.


Genre: Histoire
Thèmes: Guerre, Politique

Les commentaires sont clos.